La reconnaissance de dettese présente, de prime abord, comme un acte du
quotidien des plus banals : un père prête à son fils une somme d’argent pour
l’aider dans un projet et celui-ci souscrit une reconnaissance de dette ; une
succession s’ouvre et l’on découvre une reconnaissance de dette dressée par le
défunt ; un dirigeant de société signe une reconnaissance de dette pour
l’activité de la société. Cette simplicité induit une certaine évidence dans
l’appréhension juridique de cet acte.
Pourtant, dès lors que l’on s’intéresse davantage à la reconnaissance de dette,
ce vernis de simplicité s’effrite rapidement pour laisser place à de nombreuses
incertitudes : quelle capacité requérir pour la souscription d’un tel acte ?
Peut-on en contrôler les vices du consentement ? La réduction de l’obligation
est-elle la bonne sanction, lorsque la dette est moins importante qu’indiquée ?
Et quelle doit être la sanction lorsqu’elle est plus importante ? Contenue dans
un testament, la reconnaissance de dette a-t-elle la valeur d’un legs ? La
récente réforme du droit des contrats a ajouté son lot de questionnements en
supprimant la notion de cause, grâce à laquelle la jurisprudence contrôlait
l’existence de la dette reconnue. Quel fondement utiliser en présence d’une
reconnaissance de dette souscrite après le 1er octobre 2016 ?
Pour répondre à l’ensemble de ces interrogations, et d’autres encore, la thèse
se propose d’identifier la nature juridique de la reconnaissance de dette. Là
encore, la diversité des qualifications qui lui sont prêtées témoignent de la
confusion qui entoure cet acte : acte unilatéral, contrat unilatéral à titre
onéreux, acte déclaratif, acte récognitif, etc. Si la nature d’aveu a finalement
été retenue, le chemin vers cette qualification fut l’occasion, non seulement de
définir plus distinctement les contours de notions voisines et incertaines,
telles que l’acte déclaratif ou l’acte récognitif, mais encore de clarifier,
grâce à l’apport de l’histoire et du droit comparé, les rapports entretenus par
la reconnaissance de dette et la cause devenue contrepartie. Au-delà de ces
éclairages particuliers, l’identification de la nature hybride de la
reconnaissance de dette, qui emprunte autant à l’acte juridique substantiel
qu’aux modes de preuve, amène à adopter un autre regard sur ces notions
traditionnellement opposées, en enrichissant la classification des actes
juridiques de nouvelles ramifications.
Le régime juridique de la reconnaissance de dette se bâtit alors sur le socle de
la qualification d’aveu ainsi retenue pour en épouser les singularités. Cette
construction commande de coordonner ses dimensions probatoires et substantielles
et de conjuguer leurs régimes. Quoiqu’applicable « en tant que de raison » aux
actes unilatéraux, tels que l’aveu et la reconnaissance de dette, suivant la
lettre de l’article 1100-1 du code civil, le droit des contrats, construit sur
le modèle de la réciprocité, se trouve ainsi mis à l’épreuve. La nature
probatoire de la reconnaissance de dette rebat nécessairement les cartes des
conditions de formation de l’acte juridique, qui se concentrent sur l’existence
de la dette. Elle implique également de repenser la sanction dont ces règles
sont assorties, la nullité ne présentant que peu d’intérêt en matière de preuve.
Les effets produits par la reconnaissance de dette doivent également être
analysés à travers le prisme de sa particularité, justifiant encore d’apporter
des adaptations aux principes existants.
L’originalité de la reconnaissance de dette – entre preuve et acte juridique –
permet ainsi une lecture renouvelée des règles du droit civil. Si ces règles
sont inévitablement vouées à évoluer avec la société qu’elles régissent, il est
possible d’espérer que les principes tirés de cette analyse de la reconnaissance
de dette permettront de résoudre les nouvelles difficultés qui se poseront à
l’avenir.
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2024