Alors que le « Grand débat national » fait ressurgir le spectre du passage à une
nouvelle Constitution, sur fond d’exigence d’une « meilleure égalité » fiscale
et d’une « plus grande participation » citoyenne, la référence – justifiée ou
non - à la chute de l’Ancien Régime vient rappeler que cette année accueillera
également l’anniversaire des 230 ans de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789.
Au premier abord, pourtant, le rejet actuel du régime représentatif ne semble
pas atteindre directement ce texte dont le préambule débute par les termes : «
Les représentants du peuple français… ».
La Déclaration aura d'ailleurs survécu à tous les changements de régime survenus
depuis la chute de la Monarchie constitutionnelle en 1792, en dépit des
nombreuses périodes de mise à l’écart et tentatives de remplacement. Alors
qu’elle a longtemps été regardée comme un texte philosophique, elle aura aussi
été pleinement saisie par les juridictions judicaires et administratives après
la Seconde Guerre mondiale, puis par le Constitutionnel à partir du début des
années 1970, se trouvant ainsi portée au sommet de notre hiérarchie des normes
en droit interne.
Cette longévité et cette importance sont a priori le résultat d’une spécificité
ou d’un ensemble de spécificités tenant à l’essence de la Déclaration. Mais il
semble cependant aujourd’hui nécessaire de reprendre et de pousser plus avant
cette réflexion, dans un contexte politique et social de défiance envers la
démocratie libérale et non plus d’hommage. Alors qu’à l’échelle du monde 1989
coïncidait avec la chute du mur de Berlin et la fin de la Guerre froide, ou avec
le début du processus de suppression de l’Apartheid en Afrique du Sud, semblant
ainsi impulser un nouvel élan pour la vision universaliste des droits de l’homme
– les « vieilles » déclarations de droits faisant alors office d’étendard -, la
période actuelle, dominée par la montée des populismes, paraît bien au contraire
dessiner un mouvement de reflux, et à minima une régionalisation différenciée
des droits et libertés.
Or, si en France, plus spécifiquement, les références à la Révolution sont
explicites dans le contexte d’aujourd’hui, la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen évolue en 2019 dans un ordonnancement juridique et un espace
social qui, non seulement ne sont fondamentalement plus les mêmes qu’en 1789,
mais ce trouvent à leur tour fragilisés. Ainsi est-il possible de mentionner,
pêle-mêle : la concurrence de droits économiques et sociaux liés à l’essor d’un
État providence, désormais en recul ; celle d’une influence européenne des
droits et libertés d’inspiration anglo-saxonne, semble-t-il parfois dépassée par
le développement de l’individualisme et du communautarisme ; ou encore le succès
d’un État de droit, néanmoins en proie à l’« hypertrophie » (G. Vedel).
Tel sera en conséquence le double objet du présent colloque qui cherchera à
capter cette essence et cette/ces spécificité(s) de la Déclaration, tout en
s’interrogeant de manière sous- jacente sur les limites du texte et, peut-être,
le point de rupture au-delà duquel il cesserait malheureusement d’être « la »
Déclaration de 1789.
N° d'édition : 1
Collection : Thèmes et commentaires
Parution : Novembre 2023